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Message par Hakamiah Ven 27 Mar - 22:29

Belle Époque... D’où vient cette désignation inattendue ? Elle apparut dans l’immédiat après-guerre pour désigner le temps « d’avant », d’avant l’horreur, le temps d’avant les incertitudes et les détresses, un temps où l’avènement de la République, la prospérité économique, l’espoir que la science et le progrès promettaient un âge d’or. De fait, il est depuis habituel de définir la Belle Époque comme étant la période de prospérité générale en France entre 1900 et 1914.


Certes, les historiens ne s’entendent pas forcément sur la date marquant le début de cette période de l'histoire française. Mais en fait, peu importe pour notre propos. Concentrer notre attention, dans les lignes qui suivent, sur la première décennie du XXème siècle, ce serait s’interdire de comprendre un bon nombre de caractères de la Belle Époque. C’est d’autant plus nécessaire que les personnages sont, la plupart du temps, nés dans les premières années de la IIIème République, voire sous le second Empire, et ont connu ces heures d’incertitudes et d’âpres combats. Ainsi, il faut rappeler la longue lutte pour instaurer la République : dans les années 1900, un républicain se souvenait encore de la crise du 16 mai 1877 et savait, si besoin était, la rappeler à la mémoire d’un clérical.

Ces lignes n’ont pas, ne peuvent avoir la prétention d’aller au-delà de l’initiation à l’usage du néophyte. Elles essaieront plus modestement, en revanche, d’apporter un éclairage particulier sur certains éléments fondamentaux qu’une présentation chronologique atténuerait.

UNE BELLE ÉPOQUE ?

La Belle Époque marque la fin d’un long XIXème siècle d’incertitudes : entre le Consulat et l’avènement de la IIIème République, pas moins de cinq régimes se sont succédés. Sans parler des guerres napoléoniennes, la France s’était retrouvée engagée dans plusieurs conflits : la conquête de l’Algérie en 1830, la guerre de Crimée en 1854-1855, la campagne d’Italie en 1859 contre l’Empire austro-hongrois et la calamiteuse guerre de 1870 contre la Prusse.

Le lourd héritage du XIXème siècle finissant

Après la défaite de 1870, Bismarck avait imposé, outre la reconnaissance du IIème Reich allemand et l’annexion par le jeune empire de l’Alsace-Lorraine, le paiement d’une très lourde indemnité de guerre. Le chancelier voulait mettre la France à genoux. Ce fut un échec : l’économie française se révéla capable de payer rapidement le lourd tribut exigé par les vainqueurs. Mais elle n’a pu résister à la récession des années 1890. Après des années marquées par le triomphe des idées libérales et saint-simoniennes, la France est alors contrainte à une politique protectionniste : le verrou Méline - instauration de droits de douane et protection des petites propriétés paysannes, verrou qu’il convient toutefois de relativiser - est mis en place en 1892.
Le XIXème siècle avait été marqué par un très fort recul de l’analphabétisme et la diffusion, dans toutes les couches de la société, d’une culture écrite de masse grâce au progrès technique qui permettait de produire ouvrages et périodiques pour des coûts de plus en plus dérisoires. La vision que les contemporains ont du monde lui-même tend à changer. Certaines découvertes, telle la théorie de l’évolution des espèces par Darwin en 1859, remettent totalement en question le texte biblique. Avec des penseurs tels que Comte, Taine ou Renan, on voulait croire que l’on en avait fini avec les croyances et les superstitions d’autrefois. Nombres de penseurs vont même jusqu’à suggérer que la science sera un jour capable tenir le rôle social de la religion.


Dernière édition par Hakamiah le Ven 27 Mar - 22:31, édité 1 fois
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Message par Hakamiah Ven 27 Mar - 22:31

Pourtant, les années 1870 sont marquées par un retour du phénomène religieux. Outre l’intense besoin d’expiation qu’éprouvent nombre de catholiques (fille aînée de l’Eglise vaincue par une puissance protestante, pape « prisonnier de son palais du Vatican » et violences de la Commune), l’alliance du trône et de l’autel, qui avait marqué la Restauration et le second Empire, attise le militantisme du clergé à l’heure de choisir de nouvelles institutions pour la France.
Qui plus est, ces années correspondent à l’apogée de l’ultramontanisme et de la mainmise de Rome sur les églises nationales (l’Infaillibilité pontificale est adoptée par le concile de Vatican en 1870). Malgré l’action des loges maçonniques et des associations de libres-penseurs, ce retour au religieux sépare durablement la population française. Dans les campagnes, les superstitions perdurent, et dans les villes de nouvelles apparaissent : celles qui ont pour initiateurs des gens tels que Allan Kardec ou Papus.

Mais aux yeux de bien des contemporains, le plus lourd héritage du XIXème siècle tient à la démographie française. Émile Zola avait publié dès 1896 dans Le Figaro, un article intitulé « Dépopulation » fustigeant les modes de vie bourgeois dans lesquels l’avoir avait remplacé l’être. La jeune science démographique lance des cris d’alarme : la population française, de 38.500.000 en 1896, atteint péniblement les 39.600.00 quinze ans plus tard.
C’est bien peu face à la population allemande - référence obligée au cours de la Belle Époque - qui croît de 500.000 âmes par an.
Pire encore, la croissance démographique française n’est plus assurée que par une immigration, en grande partie italienne. En fait, la France a simplement passé le cap de la transition démographique plus rapidement que ses voisins européens - phénomène auquel, par de multiples facteurs qu’il serait long d’exposer, la Révolution n’est pas étrangère. Mais ce problème était durement ressenti par bon nombre de nos compatriotes du début du siècle, d’autant plus que les idéologues néo-malthusiens, vigoureusement condamnées par les nationalistes, rêvaient de rendre toute guerre impossible en diminuant la masse de « chair à canon ».

Mais dans la pratique, c’est sans aucun doute grâce au progrès social et à la recherche d’une vie meilleure que les habitudes contraceptives de la bourgeoisie s’étaient diffusées dans les milieux populaires, autrefois si féconds.
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Message par Hakamiah Ven 27 Mar - 22:34

L’amélioration des conditions de vie

Les Français connaissent en effet, dans la deuxième moitié du XIXème siècle une incontestable amélioration des conditions de vie. En témoignent la chute de la mortalité infantile et la hausse de l’espérance de vie. Ces nouvelles conditions de vie sont à porter au crédit des sciences, en particulier de la médecine, et à la diffusion de nouvelles notions d’hygiène que l’instruction obligatoire et le service militaire contribuent à généraliser.

À la fin de la Belle Époque, le niveau de vie moyen des Français est supérieur à celui des Allemands et presque au niveau de celui des Anglais. Le pain n’est plus l’aliment principal des classes populaires et la viande apparaît fréquemment sur les tables. Il serait toutefois simpliste de considérer que tout allait pour le mieux ; ce sont essentiellement les villes qui ont bénéficié de cette amélioration de vie, et dans ces villes, les classes moyennes étaient incomparablement mieux loties que les milieux populaires. Il existe encore des maladies propres aux couches populaires, telles la tuberculose ou l’alcoolisme. La mortalité infantile est deux fois supérieure dans les arrondissements miséreux de Paris que dans les arrondissements opulents. Les romans d’Émile Zola offrent une remarquable illustration de ce que pouvait être le quotidien des classes laborieuses.

Après la crise économique de la fin du XIXème siècle, les premiers signes de reprise sont perceptibles dès les premières années du XXème siècle ; après 1907, la croissance s’accélère pour atteindre son dynamisme maximal à la veille de la Grande Guerre. En une décennie, la France gagne un rang de grande puissance industrielle, réduit l’écart par rapport à l’Angleterre et l’Allemagne. L’économie du pays s’appuie sur l’industrie lourde : charbon - dont on oublie souvent de mentionner que la France est très peu pourvue en comparaison de ses concurrents -, acier, métallurgie. Mais l’industrie française souffre de faiblesses structurelles : les mentalités restent encore très attachées à la petite propriété. On rencontre encore peu de concentrations industrielles comparables à celles que l’on peut voir en Angleterre et en Allemagne. Au début de la IIIème République, le pays, par de nombreux aspects, présente le visage d’une société préindustrielle. La situation à la veille de la guerre n’en est que plus étonnante.

Mais l’économie française est aussi très contrastée. En premier lieu, contrairement à leurs voisins allemands et anglais, les Français sont encore majoritairement des paysans.

Sur le plan industriel, les secteurs de pointes côtoient des industries plus anciennes qui n’ont pas toutes été aussi réceptives au progrès et à l’innovation. L’économie française est une économie à deux vitesses. Ainsi Paris est déjà une ville démesurée à l’échelle du pays : elle concentre 2,9 millions d’habitants en 1911 (à titre de comparaison Marseille atteint difficilement le demi-million) et un sixième des emplois industriels ; dans le département de la Seine, la fortune privée moyenne est trois fois plus importante que la moyenne nationale.

À une échelle plus réduite, le même contraste se lit dans toutes les régions entre villes et campagnes. À l’échelle du pays, on distingue clairement un Nord-Est très industrialisé, dynamique, concentrant l’essentiel des richesses du pays, séparé par une ligne Cherbourg-Marseille à un Sud-Ouest encore majoritairement rural et agricole.

Il faut donc se garder d’un tableau trop idyllique de la Belle Époque. Rappelons cependant que l’industrie française, qui avait célébré la fée Électricité lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1900, était aussi capable d’exceptionnelles innovations, en particulier dans les industries de pointe : la France est, au début de la Belle Époque, le pays de l’automobile, de l’aviation, du cinéma. L’automobile, soutenue par une forte demande urbaine, perce : on compte plus de 24.000 automobiles immatriculées en 1906, ce qui place le parc français au deuxième rang derrière celui de la Grande-Bretagne.
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Message par Hakamiah Ven 27 Mar - 22:39

La France regagne une place dans le concert des Nations

Ces multiples comparaisons que nous faisons avec les pays voisins ne sont pas innocentes. Les contemporains eux-mêmes les faisaient. Après la défaite de 1870, Bismarck avait voulu affaiblir la France et l’isoler pour le plus grand profit du jeune empire allemand. Les dirigeants français, malgré les interminables et complexes divisions du pays, cherchèrent à permettre à la France de regagner sa place dans le monde. Parce que la défaite avait été humiliante et qu’il fallait préparer la Revanche, l’armée fit l’objet de soins particuliers. En 1872, une loi institua l’universalité du service militaire en fixant sa durée à cinq ans ; mais en raison de l’incapacité des armées à accueillir un si grand nombre de conscrits, on remit en place le principe du tirage au sort : 5 ans pour les uns, 1 an pour les plus chanceux. En outre de multiples dispenses étaient accordées aux fonctionnaires, aux ecclésiastiques, aux étudiants. En 1889, la durée du service est fixée à trois ans, mais l’universalité ne fut acquise qu’avec la loi de séparation de l’Église et de l’État. Réduite à deux ans en 1905, la durée du service fut ramenée à trois ans en 1913 par crainte d’un conflit avec l’Allemagne.

Dès 1873, on réorganisa la mobilisation. Ainsi, en 1914, l’état-major pouvait théoriquement compter sur un effectif de 3,6 millions d’hommes. En 1874, d’importants crédits furent alloués aux fortifications de la frontière. En 1875 fut créée l’École de Guerre pour améliorer le niveau de qualification technique des officiers d’état-major. Tous les matériels furent améliorés. Les contemporains pouvaient légitimement s’enorgueillir de la prouesse technique que constituait le fameux « canon de 75 ». L’armée de la France de la Belle Époque pouvait sans aucun doute affronter l’armée allemande ; c’est moins la qualité de nos armées qui expliquent les déboires des premières semaines de la Grande Guerre que d’importantes erreurs tactiques, voire stratégiques.

C’est dans les colonies que les militaires français de la Belle Époque faisaient leurs preuves. En effet, sous l’impulsion de Jules Ferry, la République s’était lancée dès 1880 dans une ambitieuse politique coloniale suivant, pour reprendre les propres termes de son initiateur, « le devoir des races supérieures de civiliser les races inférieures ». Les Français étaient, dans leur majorité, très fiers de leur empire. Il y eut certes des oppositions ; elles étaient cependant moins dictées par des considérations éthiques que par la nécessité, selon certains, de garder le regard sur « ligne bleue des Vosges ». L’empire colonial offrait un partenaire commercial de premier ordre et explique, en partie tout au moins, l’enrichissement du pays au cours de cette période.

l importait surtout au pays de sortir de l’isolement diplomatique que lui avait imposé l’Allemagne bismarckienne. Dès 1891, la Russie, redoutant l’alliance des empires austro-hongrois et allemand, se tourna vers la France. Un accord, conclu l’année suivante, désignait clairement l’ennemi commun : l’Allemagne. On pensait alors en France qu’en cas de guerre, « le rouleau compresseur » russe serait indispensable pour assurer la victoire. C’est ce qui explique cette alliance quasi-contre-nature entre la jeune république - revendiquant l’héritage des Lumières - avec le plus autocratique des États européens.

Le rapprochement avec l’Angleterre fut plus lent et plus délicat. La France contrariait les ambitions coloniales britanniques ; la crise de Fachoda en 1898 avait d’ailleurs bien fait craindre une guerre entre les deux pays. Mais la Grande-Bretagne, comme la France, ne cachait pas ses inquiétudes, dès le tournant du siècle, face à la Weltpolitik de Guillaume II. Les négociations aboutirent à un accord en 1904 qui réglait les différends coloniaux. En 1912 fut signée une convention militaire ; toutefois, le gouvernement britannique se refusa à un traité d’alliance et voulut se limiter à la fameuse « Entente cordiale ».

Comparativement à ce qu’elle avait connu dans les années qui suivirent la défaite de 70, la France du début du XXème siècle vivait bien une Belle Époque. Certes la vie était plus facile pour les classes moyennes que pour les paysans, pour les rentiers que pour les ouvriers. Dans son encyclopédie, Berthelot concluait toutefois son article consacrée à la France en ces termes : « En somme, la République a été résolument pacifique ; elle a rendu à la France son influence dans le monde et l’a mise en mesure de braver les attaques, d’où qu’elles viennent. »
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Message par Hakamiah Ven 27 Mar - 22:53

« La France depuis 1870 s’appelle désormais « République française ». La République, A vrai dire, n’en finit pas de commencer » (M. Agulhon).



« LA RÉPUBLIQUE, TOUT LE MONDE Y TIENT MAIS PERSONNE N’EN VEUT »



Ce régime, nul n’aurait parié à la chute du Second Empire qu’il serait le plus long depuis la Révolution. Il le fut, mais non sans de longues hésitations, d’interminables querelles, d’âpres combats, des compromis constants, des alliances surprenantes.

La république conservatrice et la crise du 16 mai 1877

Après la capitulation, l’essentiel de la classe politique songeait à réinstaurer une monarchie. Monarchie de droit divin sur le modèle de la Restauration pour les légitimistes, monarchie constitutionnelle libérale pour les Orléanistes, voire, un IIIème Empire pour les Bonapartistes... Face à des conservateurs divisés, les républicains ne l’étaient pas moins : républicains modérés autour d’Adolphe Thiers et radicaux autour de Gambetta. Les radicaux avaient fustigé l’accord de paix et prôné la poursuite de la guerre à outrance. Or, la guerre, les Français n’en voulaient plus. Qui plus est, l’épisode de la Commune contribua à une assimilation de la gauche au désordre.

C’est donc une assemblée de notables qui fut élue en février 1871 : les monarchistes étaient deux fois plus nombreux que les républicains à la Chambre... Paradoxal dans une république ! Il était entendu que cette république serait provisoire. Pourtant, Adolphe Thiers, chef de l’État, parvint à réaliser une union en apparence contre-nature : la conjonction des centres, les Orléanistes libéraux - ses anciens amis - et les républicains modérés - auxquels il s’était rallié « par raison ». Toutefois, une partie des monarchistes libéraux reprochait à Thiers son incapacité à contrarier les succès des radicaux aux élections partielles. Il fut contraint de démissionner le 24 mai 1873.

Le maréchal de Mac-Mahon, légitimiste, est élu à la présidence de la République le soir même. Il charge Albert de Broglie (prononcez : de Breuil), Orléaniste qui avait pris la tête de l’opposition à Thiers, de former un gouvernement qui est passé à la postérité sous le nom « d’Ordre moral ». Par ses mesures aussi autoritaires que maladroites, ce gouvernement a assuré bien malgré lui la propagande des républicains. Conservateur certes, uni pour la défense de la hiérarchie sociale, des intérêts des classes dirigeantes, de la place de l’Église dans la société, ce gouvernement d’Ordre moral manque toutefois singulièrement d’unité. Malgré l’invitation qui lui est faite par le gouvernement de monter sur le trône de France, le comte de Chambord refuse les « garanties » exigées par les Orléanistes, à savoir le maintien du parlementarisme et du drapeau tricolore. Les légitimistes ne pouvaient pardonner à de Broglie un tel échec : ils s’allient aux républicains et aux bonapartistes pour faire chuter le gouvernement le 16 mai 1874.

La République était encore provisoire. Une nouvelle coalition des centres se dessine : déçus par la politique réactionnaire de l’Ordre moral, les Orléanistes, restés attachés à la liberté, s’étaient rapprochés des républicains. Le 30 janvier 1875, après six mois d’âpres débats stériles, les députés votent, à une voix de majorité seulement, le fameux amendement Wallon : « Le président de la République est élu (...) par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. »

partir de ce texte, la République de fait cède la place à la République de droit. Entre la monarchie impossible et l’Empire abhorré, il ne restait plus à l’Assemblée, pour reprendre les termes de Wallon, qu’à prendre « ce qui existe » ; trois lois constitutionnelles sont votées de février à juillet 1875 ; « à reculons, commenta Gambetta, nous entrons dans la République ».

La République fut fondée par la voie de l’opportunisme ; c’est toutefois le mérite de Gambetta d’avoir su militer au sein de son propre camp pour une alliance avec les plus modérés des conservateurs, fussent-ils monarchistes. D’ailleurs, les lois constitutionnelles de 1875 sont indiscutablement le fruit d’un compromis : elles fondaient un régime parlementaire conservateur qui pouvait convenir aussi bien à une république qu’à une monarchie libérale. À la vérité, par-delà l’opposition des monarchistes et des républicains, les centres avaient imposé l’avenir libéral et parlementaire du régime.

Cependant, grand paradoxe de cette période, la République restait aux mains des monarchistes. Début 1876, les élections sénatoriales et législatives changent la donne et préparent la crise. Le gouvernement pouvait s’appuyer sur une faible majorité au Sénat, mais les républicains emportaient 360 sièges à l’Assemblée, n’en laissant que 150 aux conservateurs dont 75 aux bonapartistes. Cependant, les deux présidents du Conseil qui se succèdent - Duffaure, orléaniste rallié, et Jules Simon, républicain modéré - éprouvaient des difficultés à réfréner les velléités des députés, en particulier sur le terrain anticlérical.

La crise du 16 mai 1877
fera date et est restée dans les mémoires des républicains tout au long du régime : le président Mac-Mahon envoie à son président du Conseil une lettre de réprimande dans laquelle il se demande « s’il a conservé sur la Chambre l’influence pour faire prévaloir ses vues ». Jules Simon démissionne. Mac-Mahon rappelle de Broglie aux affaires ; mais la situation avait changé depuis l’Ordre moral. Le 16 juin, il est mis en minorité et démissionne. Mac-Mahon décide alors de dissoudre l’Assemblée, geste interprété par les républicains comme un véritable coup d’État.

Au cours de la campagne électorale qui suivit, le ministère de l’Intérieur rappela aux préfets leur devoir « d’éclairer le corps électoral ». Certains conservateurs même jugèrent excessif le zèle de certains préfets. Mais cette politique bien peu démocratique valut plus d’impopularité au gouvernement qu’elle n’entrava la campagne de ses adversaires. En outre, la situation diplomatique était favorable aux républicains : les menées de la droite ultramontaine en France faisaient craindre une guerre avec l’Italie - au sujet de la Question romaine - et contre l’Allemagne - au sujet du Kulturkampf. Les conservateurs ne représentaient donc plus l’ordre et la paix.

À l’issue du scrutin, les républicains conservaient une très confortable majorité. Dans un message adressé à la Chambre, Mac-Mahon convenait que « le droit de dissolution » ne saurait constituer « un système de gouvernement ». De fait, le droit de dissolution ne fut plus utilisé sous la IIIème République, ni même sous la suivante. Quant aux républicains, l’épisode les convainquit que les notions d’autorité et de démocratie étaient foncièrement antinomiques ; d’où l’extrême discrétion des hommes qui se succédèrent à l’Élysée jusqu’à De Gaulle.

Dans un premier temps, le président de la République - pour reprendre une expression utilisée par Gambetta au cours de la campagne - dut se soumettre, chargeant le républicain Duffaure de former un gouvernement. Mais il préféra se démettre le 30 janvier 1879. Jules Grévy, vieux républicain, fut élu par le Congrès. Au cours du mois suivant, La Marseillaise retrouvait son statut d’hymne national, à la dérobée, comme la République s’était imposée, puisque c’est le ministre de la Guerre qui invoqua le décret du 26 Messidor an III, qui n’avait juridiquement jamais été abrogé.

L’année suivante, la République adoptait le 14 juillet comme fête nationale. Deux mesures pour rappeler l’origine clairement révolutionnaire du régime. Le 14 juillet 1880, à Longchamps, le président de la République remettait un drapeau tricolore à chacun des régiments de l’armée. Dans les jours suivants, les Communards furent amnistiés.
Après dix ans d’incertitude, la crise du 16 mai avait permis à la République d’exister. Une victoire certes, mais le 16 mai n’avait certainement pas balayé la réaction et le régime avait encore des ennemis virulents.
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Message par Hakamiah Ven 27 Mar - 22:59

La République opportuniste

Le combat contre le camp conservateur demeure une priorité pour les républicains. À l’issue de la crise du 16 mai, les conservateurs se trouvent dans une situation très inconfortable. Toujours aussi divisés, ils perdent progressivement tout espoir de restauration : le prince Eugène, fils de Napoléon III, est tué en 1879, et le comte de Chambord, dernier descendant des Bourbons, s’éteint en 1883. Ils mènent donc une opposition parlementaire très molle et ne retrouvent de la vigueur que pour la défense des intérêts de l’Église ou des milieux d’affaire. Même sur ces dossiers délicats, ils ont continuellement besoin de trouver des alliances, que ce soit avec les plus modérés des républicains, voire avec les radicaux.

Car l’opposition à la République ne vient plus seulement du camp des conservateurs. Les radicaux sont désormais dans l’opposition. Car ils se définissent comme des hommes de principes qui ne peuvent se satisfaire des compromis que consentent les républicains de gouvernement, qu’ils appellent « opportunistes » ; eux-mêmes s’intitulaient « progressistes » parce qu’il allait de soi que la République allait vers le progrès. Mais être progressiste signifiait surtout ne pas être radical ! Le conflit qui oppose un Ferry et un Clémenceau, deux hommes aux idées pourtant très compatibles, en est une très bonne illustration.

Aux radicaux s’ajoute progressivement une extrême-gauche, encore embryonnaire dans les années 80, d’inspiration prolétarienne, voire communarde. Certes les opportunistes avaient finalement accepté d’amnistier les Communards. Mais les Communards n’étaient pas disposés à oublier les massacres de mai 1871 ; en réprimant si violemment la Commune, Thiers a ainsi inscrit une fragilité dans la construction de la République.

D’autre part, les milieux d’affaires, jusque là proches des idées libérales des Orléanistes, avaient progressivement délaissé le camp conservateur pour se rapprocher des républicains modérés. Aux yeux de l’extrême-gauche donc, la République est une république bourgeoise, et ils sont bien décidés à utiliser les libertés qu’elle leur offre pour la combattre et revendiquer la révolution sociale. En somme, ce sont deux concepts révolutionnaires qui s’opposent : celui hérité de 1789 et celui hérité de 1870.

L’échiquier politique est donc ternaire. Ce n’est pas droite contre gauche, départagées par un centre. C’est une gauche de gouvernement, cherchant continuellement des appuis parmi les plus modérés de ses adversaires, opposée à une droite monarchiste et à une extrême-gauche prolétarienne. Encore faut-il s’entendre sur le vocabulaire et éviter tout anachronisme.

En premier lieu, les termes de « gauche » et de « droite » n’étaient employés qu’au pluriel, tant les pluralités au sein de ces familles politiques étaient perceptibles. On lui préférait d’ailleurs d’autres termes : « conservateurs » (« cléricaux » pour leurs ennemis), les républicains modérés, le centre-gauche (c’est-à-dire la droite ralliée à la République), etc. Enfin il est dangereux d’essayer de lire ces clivages à la lumière de ceux que nous leur connaissons aujourd’hui. Ainsi, pour les citoyens de la IIIème République, un homme comme Adolphe Thiers est incontestablement de gauche - puisque républicain -, quand la gauche d’aujourd’hui ne voit en lui que le boucher de la Semaine sanglante...

Les grandes familles composant le paysage politique sont cependant très floues. Il n’existe pas encore de partis politiques au sens moderne du terme. Qui plus est, les modes de fonctionnement des chambres sont peu cadrés. Il existe bien des groupes parlementaires, mais ils sont beaucoup plus mouvants que de nos jours. La discipline de parti est encore inexistante, et les députés restent libres de leur vote. Au demeurant, l’idée qu’un parti puisse dicter une ligne directrice aurait été choquante pour les républicains d’alors, qui estimaient qu’un élu n’avait de compte à rendre qu’à ses électeurs.

C’est aussi ce qui explique l’instabilité gouvernementale de la IIIème République. Bien plus que les élections législatives, ce sont les alliances de circonstance et les événements qui causent la chute des gouvernements. Lorsqu’un cabinet brillait par sa longévité, tels les ministères Ferry, Freycinet, Waldeck-Rousseau, Clémenceau, c’était pour avoir accompli « l’exploit » de rester plus de 24 mois aux affaires… La plupart ont dû se contenter d’une année à la tête du gouvernement. D’autres n’ont pas eu cette chance : le « grand ministère » Gambetta a été renversé moins de trois mois après avoir été nommé !

En fait, cette caractéristique n’est pas surprenante étant donné l’attachement de la majorité des républicains au caractère parlementaire du régime. Nombres de radicaux, à l’exemple de Clémenceau, souhaitaient même obtenir la suppression du Sénat et de la Présidence ; mais ils n’obtinrent jamais la majorité nécessaire pour réviser les lois constitutionnelles de 1875. L’exemple de Gambetta, une des plus grandes figures de la République, montre aussi à quel point ces républicains se méfiaient de la popularité qui était, pensaient-ils, la porte ouverte au césarisme et à la dictature. Lorsqu’il fut enfin appelé aux affaires, il ne réussit à convaincre aucun des hommes politiques de grande notoriété à s’agréger à son équipe - d’où le qualificatif ironique de « grand ministère » Gambetta.

La crainte du césarisme avait d’ailleurs été grandement alimentée par l’affaire Boulanger. Le général Boulanger, issu d’une famille républicaine, avait été nommé à la tête du ministère de la Guerre dans le gouvernement Freycinet, en 1886. Son charisme et sa prestance lui valurent une très grande popularité dont témoigne la fameuse revue du 14 juillet 1886 à Longchamps, au cours de laquelle il concurrença, au registre des acclamations, le président de la République lui-même.

Charismatique, énergique, certes, l’homme manquait toutefois singulièrement de diplomatie ; ainsi, suite à des propos maladroits sur l’Allemagne - propos que ne pouvait accepter la politique prudente des opportunistes - il fut évincé. Malgré cela, sa popularité ne cessait de croître, surtout suite au scandale des décorations, qui compromettait le gendre du président Grévy : Boulanger paraissait un modèle de vertu au sein d’une classe politique corrompue. Une coalition hétéroclite se forma autour de Boulanger : de la droite à l’extrême-gauche, tout ce que l’opinion comptait d’hostiles au régime se joignirent à son programme - « dissolution, constituante, révision ». L’année 1889 est marquée par la lutte du gouvernement contre le boulangisme : on songea à le faire traduire devant la Haute-Cour pour complot contre l’État. Averti à temps, le général choisit l’exil en Belgique en compagnie de sa maîtresse, Marguerite, sur la tombe de laquelle il s’est suicidé deux ans plus tard. Clémenceau, qui avait le sens des formules, a proposé une épitaphe : « il est mort comme il a vécu : en sous-lieutenant. »

Autre signe de cette crainte du césarisme, l’Élysée ne reçut aucun locataire de première importance jusqu’à l’élection de Charles de Gaulle. Clémenceau disait volontiers qu’à chaque fois que le Congrès se prononçait pour faire l’honneur de l’Élysée à l’un des leurs, il donnait sa voix au plus bête ! Il n’était pas le seul à se méfier de l’influence politique que pouvait conférer cette charge ; il en a été lui-même victime à la fin de Grande Guerre.

La valse des ministères, n’empêcha toutefois pas une politique très cohérente. En effet, les républicains étant largement majoritaires ; c’est un programme résolument républicain qui fut appliqué.
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Message par Hakamiah Ven 27 Mar - 23:02

L’action des républicains

Après les mesures de grande portée symbolique évoquée plus haut, on s’attacha à défaire tout ce que les gouvernements conservateurs avaient fait et qui paraissait contraire à l’idéal républicain : loi sur la liberté de la presse, autorisation des syndicats et des organisations professionnelles, loi sur les débits de boisson - hauts lieux de sociabilité et de débat politique, ce qui n’avait pas été du goût de l’Ordre moral -, loi municipale donnant aux conseils municipaux les prérogatives que nous leur connaissons aujourd’hui. « Ce libéralisme républicain (...), explique M. Agulhon, a constitué à coup sûr une amélioration considérable, dont seul le fait que nous en jugions les stipulations si « naturelles » nous empêche de saluer pleinement le mérite initial. »

En 1877, Gambetta avait annoncé à la Chambre : « le cléricalisme voilà l’ennemi. » Certes l’Église s’était fort bien accommodée de la IIème République, mais on ne pouvait pas oublier qu’elle avait béni le 2 Décembre, le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. De même qu’on n’oublierait pas que le clergé avait soutenu majoritairement la réaction le 16 mai. « On a fait de Dieu un homme politique, pouvait-on lire dans Le Journal des Débats, il siège à droite. » Pour la majorité des républicains, les dogmes de l’Église montraient qu’elle était incompatible avec la modernité. Certes l’essentiel avait été fait en 1830 puisque la monarchie de Juillet avait rejeté l’idée d’une religion d’État. Mais il fallait libérer les esprits de son emprise. La République annonçait dès 1877 un programme clairement anticlérical, et elle l’appliqua.

La première partie de ce programme fut mise en œuvre par Jules Ferry. Ces fameuses lois scolaires de 1880 rendaient l’école gratuite, obligatoire et laïque. Certes il existait toujours, parallèlement à l’école publique, des écoles confessionnelles ; mais la gratuité permettait aux parents d’avoir le choix. Ce fut un combat difficile. L’épisode le plus marquant fut le combat pour l’article VII qui interdisait l’enseignement aux membres des congrégations non autorisées en France, donc pratiquement à tous les congréganistes. L’article VII fut rejeté par le Sénat, mais Ferry s’en prit aux congrégations par une série de décrets d’expulsion. Ces querelles déchaînèrent les passions et certains épisodes sont tragiques : les débats étaient de moins bonne tenue dans les campagnes qu’à la Chambre - encore que la première séance au sujet de l’article VII ait donné lieu, au sein même de l’hémicycle, à une empoignade restée célèbre.

Jules Ferry paraît trop tiède aux yeux de bien des anticléricaux, et trop extrémiste de l’avis de certains républicains modérés - tel Jules Simon qui appela le Sénat à voter contre l’article VII, preuve que les familles politiques n’étaient pas très clairement définies. Sa politique de laïcisation, quoique ferme, mais sans agressivité outrancière, a volontiers recours à la négociation discrète et au compromis. C’est ce qui explique que les instituteurs de Jules Ferry enseignaient aux enfants leurs devoirs envers Dieu !

Mais au-delà de sa contribution à la laïcisation, il faut reconnaître à Ferry le mérite d’avoir offert au pays un outil de promotion sociale sans précédent.Certes on peut critiquer l’aspect très élitiste - les années de lycée qui menaient au sacro-saint baccalauréat n’étaient pas gratuites et étaient loin d’être à la portée de toutes les bourses. Mais l’école républicaine a incontestablement constitué un déblocage qui pouvait permettre des promotions sociales notables sur trois, voire deux générations.
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Message par Hakamiah Ven 27 Mar - 23:07

La République radicale

L’affaire Dreyfus marque un tournant dans l’histoire de la IIIème République. En 1895, le capitaine Dreyfus est dégradé et déporté en Guyanne pour trahison. Devant la faiblesse du dossier de l’accusation, l’état-major avait permis des fuites dans la presse antisémite et constitué un « dossier secret » qui fut communiqué dans la salle des délibérés, à l’insu de la défense. Le frère du capitaine Dreyfus, Mathieu, en appelle à l’opinion publique. Jusqu’à ce que Zola publie son fameux « J’accuse » dans l’Aurore le 13 janvier 1898, le parti dreyfusard est très minoritaire, voire élitiste. En août, le capitaine Cuignet découvre que les pièces du dossier secret accablant Dreyfus sont des faux grossiers et en informe son ministre. L’année suivante, la Cour de cassation casse l’arrêt du Conseil de guerre et Dreyfus est gracié. Il a toutefois fallu attendre 1906 pour qu’il soit officiellement réhabilité et réintégré dans l’armée.

En fait, la culpabilité ou l’innocence de Dreyfus n’est rapidement plus la question centrale de l’Affaire. Il ne s’agit même plus du combat des défenseurs de l’armée et des antisémites face aux intellectuels. Chacun des deux camps revendique un patriotisme sincère - et on ne peut en douter ! - fustigeant l’autre en l’accusant de servir la juiverie ou l’Internationale dans un cas, la réaction ou le cléricalisme dans l’autre. Les deux camps s’affrontent en fait sur deux conceptions antinomiques de la France : pour les antidreyfusards, la raison d’État prime sur l’intérêt individuel ; pour les dreyfusard, au contraire, la justice et le respect du droit sont les valeurs qui fondent la République et l’honorent. Or, à la fin de l’Affaire, c’est la conception des dreyfusards qui prévaut.

Il n’y eut aucun renouvellement de l’Assemblée du début de l’Affaire à la révision. Mais progressivement, grâce aux efforts de quelques hommes politiques (Scheurer-Kestner, Clémenceau, Blum) et hommes de lettres (Zola, Proust, Anatole France) les radicaux et une partie du centre rejoignent le camp des dreyfusards, ainsi que l’extrême-gauche qui, à l’origine, n’y voyait qu’une querelle de bourgeois ne concernant pas la classe ouvrière.

Au lendemain des élections de 1902, on constate combien l’Affaire a bouleversé le paysage politique français : la « défense républicaine » est plébiscitée (366 sièges dont 219 pour les radicaux et radicaux-socialistes, contre 22 à la droite). « Ils sont trop nombreux » aurait déclaré le président du Conseil, Waldeck-Rousseau, avant de se retirer quelques jours plus tard en raison de son état de santé. Le « petit père » Combes, vieux radical provincial et ancien séminariste, le remplace. À Chambre radicale, gouvernement radicale, et… politique radicale !.

On prend immédiatement des mesures contre les congrégations, et la lutte contre les cléricaux qui, il est vrai, s’étaient montrés fort peu discrets pendant l’Affaire, reprend avec d’autant plus de vigueur, sans laisser de place au compromis : « je n’ai pris le pouvoir que pour cela » aurait un jour déclaré Combes. Cette politique conduit à la liquidation pure est simple de la question : en 1905 la loi de Séparation dénonce le Concordat de 1801.

Toutefois, sur le terrain social, la politique de Waldeck-Rousseau, de Combes et plus encore de Clémenceau, est beaucoup moins radicale. La liberté syndicale était légale depuis 1884, mais les autorités se souciaient peu de contrôler son respect dans les entreprises. Un certain nombre d’avancées non négligeables étaient dues aux précédents gouvernements opportunistes : suppression du livret ouvrier en 1890, loi sur le travail des femmes en 1892, responsabilité patronale dans les cas d’accident du travail en 1898. D’autres chantiers sont plus laborieux : la loi sur les retraites n’aboutit qu’en 1907 et celle sur l’impôt sur le revenu en 1917, toutes les deux après plus de vingt ans de débats. Pour se faire entendre, la classe ouvrière n’a qu’une arme : la grève.

Or un gouvernement, fût-il radical, a aussi besoin de rassurer les milieux d’affaires en assurant l’ordre et en protégeant l’outil de travail. Et pour face à une grève qui déborde, l’État n’avait qu’une arme : l’infanterie, baïonnette au canon. D’une certaine façon, la création des CRS dans les années 50 a constitué une avancée sociale ! Car la IIIème République est aussi celle qui, à Fourmie, fit tirer sur les grévistes le 1er mai 1891. La participation du socialiste Millerand au gouvernement de Waldeck-Rousseau avait séparé l’extrême-gauche entre ceux, tel Jean Jaurès, qui étaient plus républicains que révolutionnaires, et ceux, tel Jules Guesdes, qui étaient plus révolutionnaires que républicains.

De 1906 à 1910, la France est le théâtre d’une grande offensive ouvrière soutenue par la CGT, tandis que les socialistes parlementaires défendent les grévistes sans les conduire. Une première lézarde dans le Bloc des gauches survient en 1906, quand les craintes d’une guerre contre l’Allemagne resurgissent : l’antimilitarisme ouvrier devient alors une arme politique quand, en avril, Gustave Hervé déclare « notre patrie, c’est notre classe », et que plusieurs personnalités d’extrême-gauche annoncent que les ouvriers ne prendront pas les armes pour défendre les intérêts de la bourgeoisie.

Qui plus est, la gauche radicale veut ménager la fraction du monde des affaires rallié à la campagne anticléricale. La victoire des radicaux lors des élections de 1906 est une nouvelle étape dans la désagrégation du Bloc des gauches. Clémenceau, l’aile gauche radicale, est chargé de constituer un gouvernement, soutenu par Jaurès qui y voit une étape avant le socialisme. Seulement, le Tigre est aussi et avant tout un homme d’ordre, et c’est parfois avec une très grande violence qu’il répond aux agitations sociales des années 1907-1908, ce qui lui a très vite valu le surnom de « premier flic de France ».

Le divorce entre la gauche radicale et l’extrême-gauche est à chercher dans la liquidation de la question cléricale. « L’alliance des diverses couches de la bourgeoisie avec les forces politiques qui représentent la classe ouvrière ne survit pas au recul des congrégations et à la Séparation » (Madeleine Rebérioux). Le conflit de classes reprend bien vite le dessus et la classe ouvrière dut bien se faire à l’idée que, la question cléricale liquidée, les radicaux ne souhaitaient aucunement remettre en question l’ordre social du pays


En 1914, le régime est toujours contesté par une droite, certes devenue très minoritaire. Mais il se trouve largement consolidé. « Sans être achevée, la conquête des campagnes, objet des rêves de Gambetta, s’est consolidée. Depuis 1900, ils sont nombreux les villages sur les places desquelles se dressent statues et bustes de Marianne (…) il s’y lit plus que l’acceptation : la ferveur  » (M. Rebérioux)
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